Un petit clip “Art et Essai”. Première tentative hasardeuse de mettre en image une de mes chansons. J’ai choisi (forcément) “Quitter le monde”
Mars (en mars)

“More than night, when I was 12 years old, I looked at planet march and i said “take me home !” and the planet march took me home and I never came back.
and I read every day and the last seventy five years, I’d never stop reading”
(“Pendant la nuit, quand j’avais 12 ans, je regardais la planète Mars et je lui avait dit “Emmène-moi chez toi”, et Mars m’a emmené chez elle et je ne suis jamais revenu.
Et je lis tous les jours depuis les soixante-quinze dernières années, je n’ai jamais arrêter de lire.”
Texte retranscrit d’oreille à partir de mon niveau d’anglais très limité. Si quelqu’un comprend mieux que moi ce qu’il dit, n’hésitez pas à me le signaler)
C’est la voix de Ray Bradbury que j’ai souhaité ajouter dans ma chanson.
Sa littérature est complètement imprégnée de cette mélancolie, d’une forme de tendresse finalement plutôt rare dans la littérature de SF. Je ne peux qu’encourager le néophyte de ce style littéraire à franchir le pas avec cet auteur. Bradbury est un ethnologue de l’altérité. Une des constantes de son oeuvre est le double regard, le miroir qui nous fait prendre conscience que nous sommes aussi étrange pour l’autre qu’il ne l’est pour nous.
Ma chanson évoque deux nouvelles du recueil “Chroniques martiennes” paru en 1950. Bradbury n’y cherche aucune vraisemblance. Il nous compte juste une colonisation de plus, la même histoire que celles des civilisations d’Amérique du sud qui disparurent avec l’arrivée des colons. Les “conquêtes” de nouveaux territoires sont des violences faîtes au autochtones. L’histoire y est écrite à coup de malentendus, de destruction, de transmission de maladie (En Amérique, la syphilis, sur Mars, la varicelle, une maladie d’enfants), d’assimilation et de négation d’identité.
Ray Bradbury nous raconte pourtant les premières expéditions sur Mars avec tendresse et humour, et surtout avec la perspective des deux camps, l’étrangeté ressentie par les martiens lorsque les premiers spationautes atterrissent (amarsissent ?).
J’ai choisi de m’attarder sur la première rencontre qui faillit être une histoire d’amour interplanétaire et qui finit comme une tragédie domestique. L’air inconnu (pour elle) que fredonne Ylla (qu’elle entend sans le comprendre car elle ignore qu’elle est télépathe) explique le thème de mes refrains “Plaisir d’amour”.
Le dernier couplet évoque la fin magnifique du recueil : les martiens sont morts ! Voici les martiens.
Il ne vous reste plus qu’à lire (ou relire, je l’espère) ces pages pour retrouver mes références.
“science sans conscience…

…n’est que ruine de l’âme. ”
La phrase de Rabelais prend-elle tout son sens à notre époque ?
La science fiction est un genre littéraire sous estimé par beaucoup de lecteurs pourtant assidus à d’autres styles littéraires. Elle est reléguée au rang d’une sous-littérature ludique et superficielle par la plupart de ceux qui paradoxalement n’ont jamais ouvert un livre de SF.
Sans oublier que beaucoup confondent les genres pourtant radicalement différents que sont la science-fiction (Isaac Asimov, Pierre Boule, Arthur C.Clarke, Phillip K.Dick …) le fantastique (Lovecraft, Edgar Alan Poe, Maupassant…), le fantasy (Tolkien), l’épouvante (Stephen King), etc.
On retrouve la même confusion dans le cinéma.
Alors que le fantastique nous propose une exploration des fantasmes de notre inconscient dans notre quotidien ou dans des mondes irréalisables, qu’il introduit une variante improbable dans notre ordinaire et observe comment nous réagirions, la science-fiction joue les oracles, voire parfois les cassandres.
Pour moi, la science fiction est très souvent philosophique, car elle cherche à donner du sens à l’absurdité de notre monde. Elle est très contemporaine puisque le terme “science” qu’elle contient est à comprendre dans sa définition du XXème siècle, c’est à dire comme une connaissance positive et souvent technologique, acquise par l’expérimentation et l’observation.
Bien sûr, certains thèmes sont en bordure de cette définition. Le voyage dans le temps par exemple est-il du côté du fantastique ou de la science-fiction ? Je répondrais qu’il est fantastique dans le très bon roman de Stephen King “22-11-63” (actuellement décliné en série télévisée au USA) et qu’il est de la science-fiction dans le non-moins excellent film de Christopher Nolan “insterstellar”. Il est donc vrai que ces genres sont apparentés.
Mais les questions posées ne sont pas les mêmes. Dans son œuvre (un peu réactionnaire pour moi, pour tout vous dire), René Barjavel, l’un des grands auteurs de SF français, nous adresse des avertissements : Dans “Ravage”, il pointe du doigt les dangers de la modernité gratuite. Dans “la nuit des temps” et “une rose au paradis”, il dénonce les dérives du progrès et de la course aux armements. Dans “le grand secret”, il nous parle d’une science qui ouvre la boîte de Pandore de l’immortalité.
Et c’est bien là le grand mérite de la science fiction : nous montrer, nous amener à voir un avenir proche où nous perdrions le contrôle de cette science si quotidienne mais qui contiendrait en elle les germes de notre propre fin.
Je ne dis pas que la science-fiction est toujours pessimiste. Ce serait dire qu’elle n’est que moraliste. Elle est même souvent optimiste car elle dit que tout est possible si nous prenons conscience des risques qui côtoient immanquablement tout changement.
De ce fait, est-t-il un genre littéraire plus essentiel qu’un livre qui nous offre à la fois le rêve et la réflexion ?
Après cette introduction au genre, je vous parlerai de Ray Bradbury et de ses “Chroniques martiennes” dans mon prochain article.
L’Aleph et l’hommage

Musicalement, l’univers de l’Aleph est “progressif”.
Pour les “inhabitués” du genre, ce style musical part sans doute de la musique psychédélique des années 60 avec des groupes comme Pink Floyd puis Genesis, Yes ou Jethro Tull.
Dans les années 70, j’y rajoute Mike Oldfield, Supertramp, Ange (groupe français !), Queen.
Dans les années 80, il y a bien sûr le néo-progressif de Marillion (Fish aussi), IQ, Pendragon et même Tears for fears qui nous a parfois embarqué aussi dans un univers très construit.
La relève du XXIème siècle, c’est pour moi d’abord Muse. Mais j’entends aussi chez Archive et Mocheeba un héritage assumé (le passage surréaliste à 10’35 de “Again” de Archive est une référence évidence à “Echoes”(quasiment au même moment du morceau… no comment) de Pink Floyd sur l’album Meddle. Je pense aussi à RadioHead (et tout particulièrement aux chansons “Paranoid android” ou “Just“)
Voilà ma liste très subjective de ce que j’appelle la musique progressive. C’est juste pour bien resituer mes références. En général, ce sont des chansons longues dans lesquelles plusieurs thèmes musicaux sont développés. Les paroles parlent rarement de la vie des bisounours…
L’Aleph est donc mon premier projet de musique progressive. Ma version de 2000 en est le témoin. On me “reproche” souvent la longueur de mes chansons, leur format peu FM. Je n’ai pas encore la virtuosité de mes pairs et vous remarquerez qu’à part Mike Oldfield, ce sont des groupes. C’est vrai que c’est compliquer de construire un ensemble cohérent sur une chanson de plus de 5 minutes et surtout de ne pas perdre l’attention de l’auditeur. Il faut sans cesse le ramener au cœur du sujet, piquer sa curiosité pour qu’il ne se mette pas trop vite à regarder voleter les papillons…
Ainsi s’achève donc la chronique de l’Aleph.

Hier je terminais mon article sur Borges par une référence à Umberto Eco.
Aujourd’hui nous apprenons sa mort.
J’avais imaginé écrire une chanson sur l’un de ses livres car il est l’un de mes auteurs préférés. Mais comme avec Boris Vian ou Michel Folco, la richesse et le style de son écriture ne m’inspiraient pas. ça peut paraitre contradictoire mais j’ai besoin de trouver ma place dans l’œuvre de celui dont je veux parler. J’ai besoin de pouvoir m’insérer dans son univers. Umberto Eco, Michel Folco et Boris Vian ont au moins cela en commun que leurs façons d’écrire sont si denses, si singulières que je n’ai trouvé aucune porte d’entrée. J’avais finalement le choix entre paraphraser ou trahir. J’ai préféré m’abstenir.
Dans cette article, je souhaite vous inviter à découvrir ou redécouvrir Umberto Eco.
Outre son œuvre la plus connue et sans doute la plus accessible “le nom de la rose”, il m’a emmené dans des découvertes culturelles gigantesques. Car Ecco était exigeant avec ses lecteurs. Il attendait d’eux une grande curiosité. Il ne donnait pas toutes les clés de ses histoires.
Lorsque, par ma culture plus spécifiquement orientée vers la philosophie, je comprenais qu’il faisait allusion à Blaise Pascal ou Descartes sans les nommer dans “L’île du jour d’avant” ou qu’il expliquait les règles de la logique des prédicats dans “Le pendule de Foucault”, je prenais cette compréhension comme une forme de complicité directe avec l’auteur, une sorte de connivence comme s’il venait se confier directement à moi, comme s’il écrivait spécialement pour moi. Mais je suspectais aussi à quel point je passais certainement à côté d’une quantité incroyable d’allusions, codes, symboles et sous-entendus. Car Umberto Eco parle à tous. Il est pour moi ce qui se rapproche le plus de l’esprit de l’encyclopédie au XXème siècle.
Il était aussi incompris comme quand il fût soupçonné d’antisémitisme pour son livre “Le cimetière de Prague”. Moi-même quand j’ai commencé ce livre, j’ai été interpelé par l’ambiguïté de ce qui s’y racontait mais connaissant l’auteur, je me suis laissé conduire là où il m’emmenait. Et comme toujours, c’est dans cet effort que se trouvait la réponse. Pour cela, Umberto Eco est un auteur de la catharsis. Il nous transporte dans son monde. Mieux, il nous contamine de ses sentiments. Il est l’un des plus subtiles dénonciateurs des complotistes. Et il parvient à nous faire entrer dans leurs têtes, à nous faire voir avec leurs yeux leur monde paranoïaque et délirant.
Et puis il était drôle. Je vous conseille pour découvrir cette facette de sa personnalité de lire le petit livre de nouvelles hilarantes : “comment voyager avec un saumon”.
Voilà ce que je voulais vous dire sur ce grand homme disparu le 19 février 2016.