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Le début de la fin (feat. Raphaël)

lire

Voici donc venu le moment de vous présenter la dernière chanson de l’album.
L’idée du projet m’est venue en 2012.
Les dernières chansons ont été écrites en 2014 et la réalisation s’est achevée en 2015.
Comme je l’avais expliqué au tout début de ces articles, l’idée a été d’écrire sur les livres que j’ai aimés. La première chanson était une introduction autobiographique. La dernière est fiction (pour ceux qui auraient pu se le demander).

“Lire” est réellement une apologie de la lecture, le message que, sans elle, nous sommes abandonnés à nous-même et à la merci des autres. L’ordonnance de Villers-Cotterets par laquelle François 1er imposa en 1539 le français comme la langue dans laquelle les actes juridiques devraient être transcrits signifie bien l’importance qu’il y a à savoir lire.
C’est pouvoir se défendre, prouver, comparer autant que simplement s’instruire (je goûte là un quasi-oxymore car s’instruire peut-il être simple ?).

“Lire” est une pièce en 3 actes. Une sorte de tragédie classique. Mon personnage raconte sa déchéance (j’en ai connu qui occupaient vraiment l’heure de cours à cocher une case de leur cahier toutes les minutes. Au bout de 60 croix, le cours est donc terminé), sa lutte  et sa victoire. Et c’est son enfant et à travers lui son enfance même qui le sauve car c’est aussi de ses premiers moments de lecture que lui viennent sa capacité à réapprendre à lire. On m’a affirmé que la lecture ne peut être oubliée et que pour cette raison on ne peut pas réapprendre quelque chose qu’on n’a pas perdu. Je rencontre pourtant assez souvent des personnes pour qui la lecture est devenue une étrangère, qui mettent en place des stratégies très complexes pour fuir les occasions d’avoir à lire, et qui de ce fait, fatalement, se dé-sociabilisent, s’excluent des décisions et se replient sur elles-mêmes.

Pour cela, “Lire” est aussi un hymne à l’apprentissage et à la conservation de ce savoir qu’est la lecture. Et donc indirectement, c’est un hymne à l’école. Je me demande ce qui serait advenu de ce petit garçon imaginaire s’il avait vécu dans un pays où l’école n’est pas obligatoire. Son parent qui a renoncé à lire aurait-il eu l’envie de lui fournir cet outil malgré tout ? Quand l’enfant créé chez son père cette réaction (un sursaut d’orgueil ?), c’est l’école qui gagne 2 fois, pour l’enfant et pour sa famille.

Demandez vous si vous lisez assez.
Demandez vous si, autour de vous, beaucoup de gens lisent.
Demandez vous pourquoi certains ne lisent pas et essayez de leur communiquer cette envie.

Lorsque j’écris seul ces quelques phrases, à la manière de ces interpellations ridicules sur les murs de facebook (“mets un like et je saurai que tu lis mes posts…), je me demande aussi qui me lit.

J’espère surtout que ces dix chansons vous auront donné une vraie envie de lire.

la supportable lourdeur du néant

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Une musique recyclée, quoi de plus naturel pour un texte qui évoque Nietzsche…
J’ai effectivement composé cette chanson et cette mélodie il y a sûrement plus de 25 ans. Le texte original parlait à peu près (oui car les thèmes de mes chansons étaient autrefois très approximatifs…) du rapport de la jeunesse à la vieillesse. C’est l’ambiance mélancolique de la mélodie qui m’a fait supposer qu’elle collerait plutôt bien à son nouveau thème.
Sève chante pour la 3ème fois de l’album. J’ai innové pour la prise de son.
Je me souviens que je cherchais une façon de créer un intimité, un chuchotement au creu de l’oreille. Il fallait surtout que Sève est un excellent retour afin qu’elle n’ait pas à forcer et qu’elle s’entende bien pendant la prise de son. La solution a été paradoxalement de pousser le gain d’entrée (tant pis pour le souffle qui vient immanquablement avec cette pratique) et de demander à Sève de chanter à plus d’un mètre du micro. Vous pourrez prêter attention au résultat en écoutant la chanson.

Sinon que dire de l’arrangement ? C’est une ballade. Les solos sont très plaintifs. Je trouve que ça renforce l’ambiance triste (y’avait peu être pas besoin…). Je suis assez fier aussi de la façon dont j’ai introduit le piano dans l’ensemble.
ça reste une sorte de tic chez moi cette façon d’empiler les instruments.  Même si cette pratique est loin d’être originale, je n’arrive pas toujours à m’en affranchir.

Voici donc finie cette petite expression sur cette 9ème chanson de “Ere de Je”.
Dernière palabre avec la ligne droite de l’ultime titre.

Nietzsche ou Wagner

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Voici (enfin ?) la dernière chanson de mon album qui évoque un livre (il n’en restera qu’une en guise de conclusion mais elle n’aura pas un livre en particulier comme sujet) :
Milan Kundera, “l’insoutenable légèreté de l’être”

Cette lecture, je la dois à Daphné. Nos échanges littéraires des années 80 se sont poursuivis presque sans interruption jusqu’à aujourd’hui. Nous avons même été jusqu’à envisager un certain temps d’entretenir une vraie correspondance épistolaire. C’est sans doute un peu désuet mais ça aurait eu de la gueule. Nos agendas et sans doute un soupçon de fainéantise ont tué  le projet dans l’œuf.

Quoiqu’il en soit, “l’insoutenable légèreté de l’être” a pour moi plusieurs singularité (c’est déjà pittoresque…). La première est d’être sans doute le seul livre que j’ai lu 2 fois dans ma vie. Ma lecture laborieuse, et donc par définition lente, a au moins cet avantage de me permettre de m’imprégner des œuvres. Sans être toujours dans une durée de lecture exagérée comme ça le fût pour “Une prière pour Owen” de John Irving (4 ans quand même !), il me faut souvent plusieurs semaines pour lire un roman. Bien sûr, je m’excuse en constatant que je peux avoir parfois 10 livres en cours simultanément (mon record) mais je sais de toute façon que je lis lentement.
Il m’est donc inenvisageable de me replonger deux fois dans le même fleuve (comme disait presque Héraclite). Pourtant, à 25 ans d’intervalle, une relecture de l’oeuvre de Kundera m’a semblé indispensable au moment où j’ai envisagé d’en faire une chanson.
Je m’étais donné comme ligne de conduite de ne pas forcément coller à l’histoire originale. Mon projet était principalement dans l’évocation. J’aurais donc pu ne pas relire ce livre. Alors pourquoi ?

Je me souviens précisément du sentiment que j’avais eu en 1987 lorsque je terminais ma lecture ; comme enchanté par le thème nietzschéen de l’éternel recommencement, j’avais eu envie de recommencer le roman immédiatement. Ça n’est sans doute pas étranger aux conditions qui m’ont permis de reprendre ce chemin.
Une autre particularité de ce livre, c’est que je ne l’ai finalement pas lu deux fois mais que ce sont plutôt deux “moi” qui l’ont lu. Forcément au cours de ces 25 années, ma personnalité a évolué. Je n’ai donc pas réussi à retrouver cette immersion que j’avais ressentie en premier lieu. Je me souvenais de certains passages. Je les attendais avec une certaine impatience. Mais ce furent de nouvelles sensations qui vinrent. Évidemment, rien d’étonnant à ce que la lecture d’un adolescent et celle d’un homme de plus de 40 ans diffèrent. Mais souvent, nous sommes déçu par ce qui nous avait enthousiasmé ou inversement , nous trouvons enfin du sens et de la valeur à des choses que nous avions survolées.
Pour moi, ce fût tout autre chose. J’ai changé d’angle et j’ai découvert des faces cachées de l’oeuvre. Mais en même temps,  j’ai aussi perdu un certain regard. Sans comprendre mieux aujourd’hui qu’hier, je l’ai ressentie totalement différemment.
Au delà des références et peut être aussi de mon vécu, c’est bien comme si j’avais lu deux livres différents. Hier le romanesque et l’amour, aujourd’hui l’absurdité et le destin. Hier Nietzsche, aujourd’hui Wagner. Hier la haine du kitsch, aujourd’hui presque une tendresse, voire une nostalgie.

Enfin, je dois faire un aveu. Dans mon exercice d’écriture qui consiste à ne pas trop m’approcher de mes références, ne pas inventer la chanson avec le livre dans la main, j’ai commis un lapsus. Trompé par l’évident lien de Nietzsche et de Wagner, j’ai attribué le “Es muss sein” à l’auteur de la Walkirie alors qu’il s’agit de Beethoven. Donc, quand vous lirez les paroles de ma chanson “s’il le peut, le faut-il vraiment” deviendra peut-être (peut-être) enfin plus clair…

Le son c’est bien. Mais avec l’image…

Un petit clip “Art et Essai”. Première tentative hasardeuse de mettre en image une de mes chansons. J’ai choisi (forcément) “Quitter le monde”

Mars (en mars)

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“More than night,  when I was 12 years old, I looked at planet march and i said “take me home !” and the planet march took me home and I never came back.
and I read every day and the last seventy five years, I’d never stop reading”

(“Pendant la nuit, quand j’avais 12 ans, je regardais la planète Mars et je lui avait dit “Emmène-moi chez toi”, et Mars m’a emmené chez elle et je ne suis jamais revenu.
Et je lis tous les jours depuis les soixante-quinze dernières années, je n’ai jamais arrêter de lire.”
Texte retranscrit d’oreille à partir de mon niveau d’anglais très limité. Si quelqu’un comprend mieux que moi ce qu’il dit, n’hésitez pas à me le signaler)

C’est la voix de Ray Bradbury que j’ai souhaité ajouter dans ma chanson.
Sa littérature est complètement imprégnée de cette mélancolie, d’une forme de tendresse finalement plutôt rare dans la littérature de SF. Je ne peux qu’encourager le néophyte de ce style littéraire à franchir le pas avec cet auteur. Bradbury est un ethnologue de l’altérité. Une des constantes de son oeuvre est le double regard, le miroir qui nous fait prendre conscience que nous sommes aussi étrange pour l’autre qu’il ne l’est pour nous.

Ma chanson évoque deux nouvelles du recueil “Chroniques martiennes” paru en 1950. Bradbury n’y cherche aucune vraisemblance. Il nous compte juste une colonisation de plus, la même histoire que celles des civilisations d’Amérique du sud qui disparurent avec l’arrivée des colons.  Les “conquêtes” de nouveaux territoires sont des violences faîtes au autochtones. L’histoire y est écrite à coup de malentendus, de destruction, de transmission de maladie (En Amérique, la syphilis, sur Mars, la varicelle, une maladie d’enfants), d’assimilation et de négation d’identité.
Ray Bradbury nous raconte pourtant les premières expéditions sur Mars avec tendresse et humour, et surtout avec la perspective des deux camps, l’étrangeté ressentie par les martiens lorsque les premiers spationautes atterrissent (amarsissent ?).

J’ai choisi de m’attarder sur la première rencontre qui faillit être une histoire d’amour interplanétaire et qui finit comme une tragédie domestique. L’air inconnu (pour elle) que fredonne Ylla (qu’elle entend sans le comprendre car elle ignore qu’elle est télépathe) explique le thème de mes refrains “Plaisir d’amour”.
Le dernier couplet évoque la fin magnifique du recueil : les martiens sont morts ! Voici les martiens.

Il ne vous reste plus qu’à lire (ou relire, je l’espère) ces pages pour retrouver mes références.