Une musique recyclée, quoi de plus naturel pour un texte qui évoque Nietzsche…
J’ai effectivement composé cette chanson et cette mélodie il y a sûrement plus de 25 ans. Le texte original parlait à peu près (oui car les thèmes de mes chansons étaient autrefois très approximatifs…) du rapport de la jeunesse à la vieillesse. C’est l’ambiance mélancolique de la mélodie qui m’a fait supposer qu’elle collerait plutôt bien à son nouveau thème.
Sève chante pour la 3ème fois de l’album. J’ai innové pour la prise de son.
Je me souviens que je cherchais une façon de créer un intimité, un chuchotement au creu de l’oreille. Il fallait surtout que Sève est un excellent retour afin qu’elle n’ait pas à forcer et qu’elle s’entende bien pendant la prise de son. La solution a été paradoxalement de pousser le gain d’entrée (tant pis pour le souffle qui vient immanquablement avec cette pratique) et de demander à Sève de chanter à plus d’un mètre du micro. Vous pourrez prêter attention au résultat en écoutant la chanson.
Sinon que dire de l’arrangement ? C’est une ballade. Les solos sont très plaintifs. Je trouve que ça renforce l’ambiance triste (y’avait peu être pas besoin…). Je suis assez fier aussi de la façon dont j’ai introduit le piano dans l’ensemble.
ça reste une sorte de tic chez moi cette façon d’empiler les instruments. Même si cette pratique est loin d’être originale, je n’arrive pas toujours à m’en affranchir.
Voici donc finie cette petite expression sur cette 9ème chanson de “Ere de Je”.
Dernière palabre avec la ligne droite de l’ultime titre.
Voici (enfin ?) la dernière chanson de mon album qui évoque un livre (il n’en restera qu’une en guise de conclusion mais elle n’aura pas un livre en particulier comme sujet) :
Milan Kundera, “l’insoutenable légèreté de l’être”
Cette lecture, je la dois à Daphné. Nos échanges littéraires des années 80 se sont poursuivis presque sans interruption jusqu’à aujourd’hui. Nous avons même été jusqu’à envisager un certain temps d’entretenir une vraie correspondance épistolaire. C’est sans doute un peu désuet mais ça aurait eu de la gueule. Nos agendas et sans doute un soupçon de fainéantise ont tué le projet dans l’œuf.
Quoiqu’il en soit, “l’insoutenable légèreté de l’être” a pour moi plusieurs singularité (c’est déjà pittoresque…). La première est d’être sans doute le seul livre que j’ai lu 2 fois dans ma vie. Ma lecture laborieuse, et donc par définition lente, a au moins cet avantage de me permettre de m’imprégner des œuvres. Sans être toujours dans une durée de lecture exagérée comme ça le fût pour “Une prière pour Owen” de John Irving (4 ans quand même !), il me faut souvent plusieurs semaines pour lire un roman. Bien sûr, je m’excuse en constatant que je peux avoir parfois 10 livres en cours simultanément (mon record) mais je sais de toute façon que je lis lentement.
Il m’est donc inenvisageable de me replonger deux fois dans le même fleuve (comme disait presque Héraclite). Pourtant, à 25 ans d’intervalle, une relecture de l’oeuvre de Kundera m’a semblé indispensable au moment où j’ai envisagé d’en faire une chanson.
Je m’étais donné comme ligne de conduite de ne pas forcément coller à l’histoire originale. Mon projet était principalement dans l’évocation. J’aurais donc pu ne pas relire ce livre. Alors pourquoi ?
Je me souviens précisément du sentiment que j’avais eu en 1987 lorsque je terminais ma lecture ; comme enchanté par le thème nietzschéen de l’éternel recommencement, j’avais eu envie de recommencer le roman immédiatement. Ça n’est sans doute pas étranger aux conditions qui m’ont permis de reprendre ce chemin.
Une autre particularité de ce livre, c’est que je ne l’ai finalement pas lu deux fois mais que ce sont plutôt deux “moi” qui l’ont lu. Forcément au cours de ces 25 années, ma personnalité a évolué. Je n’ai donc pas réussi à retrouver cette immersion que j’avais ressentie en premier lieu. Je me souvenais de certains passages. Je les attendais avec une certaine impatience. Mais ce furent de nouvelles sensations qui vinrent. Évidemment, rien d’étonnant à ce que la lecture d’un adolescent et celle d’un homme de plus de 40 ans diffèrent. Mais souvent, nous sommes déçu par ce qui nous avait enthousiasmé ou inversement , nous trouvons enfin du sens et de la valeur à des choses que nous avions survolées.
Pour moi, ce fût tout autre chose. J’ai changé d’angle et j’ai découvert des faces cachées de l’oeuvre. Mais en même temps, j’ai aussi perdu un certain regard. Sans comprendre mieux aujourd’hui qu’hier, je l’ai ressentie totalement différemment.
Au delà des références et peut être aussi de mon vécu, c’est bien comme si j’avais lu deux livres différents. Hier le romanesque et l’amour, aujourd’hui l’absurdité et le destin. Hier Nietzsche, aujourd’hui Wagner. Hier la haine du kitsch, aujourd’hui presque une tendresse, voire une nostalgie.
Enfin, je dois faire un aveu. Dans mon exercice d’écriture qui consiste à ne pas trop m’approcher de mes références, ne pas inventer la chanson avec le livre dans la main, j’ai commis un lapsus. Trompé par l’évident lien de Nietzsche et de Wagner, j’ai attribué le “Es muss sein” à l’auteur de la Walkirie alors qu’il s’agit de Beethoven. Donc, quand vous lirez les paroles de ma chanson “s’il le peut, le faut-il vraiment” deviendra peut-être (peut-être) enfin plus clair…
“More than night, when I was 12 years old, I looked at planet march and i said “take me home !” and the planet march took me home and I never came back.
and I read every day and the last seventy five years, I’d never stop reading”
(“Pendant la nuit, quand j’avais 12 ans, je regardais la planète Mars et je lui avait dit “Emmène-moi chez toi”, et Mars m’a emmené chez elle et je ne suis jamais revenu. Et je lis tous les jours depuis les soixante-quinze dernières années, je n’ai jamais arrêter de lire.” Texte retranscrit d’oreille à partir de mon niveau d’anglais très limité. Si quelqu’un comprend mieux que moi ce qu’il dit, n’hésitez pas à me le signaler)
C’est la voix de Ray Bradbury que j’ai souhaité ajouter dans ma chanson.
Sa littérature est complètement imprégnée de cette mélancolie, d’une forme de tendresse finalement plutôt rare dans la littérature de SF. Je ne peux qu’encourager le néophyte de ce style littéraire à franchir le pas avec cet auteur. Bradbury est un ethnologue de l’altérité. Une des constantes de son oeuvre est le double regard, le miroir qui nous fait prendre conscience que nous sommes aussi étrange pour l’autre qu’il ne l’est pour nous.
Ma chanson évoque deux nouvelles du recueil “Chroniques martiennes” paru en 1950. Bradbury n’y cherche aucune vraisemblance. Il nous compte juste une colonisation de plus, la même histoire que celles des civilisations d’Amérique du sud qui disparurent avec l’arrivée des colons. Les “conquêtes” de nouveaux territoires sont des violences faîtes au autochtones. L’histoire y est écrite à coup de malentendus, de destruction, de transmission de maladie (En Amérique, la syphilis, sur Mars, la varicelle, une maladie d’enfants), d’assimilation et de négation d’identité.
Ray Bradbury nous raconte pourtant les premières expéditions sur Mars avec tendresse et humour, et surtout avec la perspective des deux camps, l’étrangeté ressentie par les martiens lorsque les premiers spationautes atterrissent (amarsissent ?).
J’ai choisi de m’attarder sur la première rencontre qui faillit être une histoire d’amour interplanétaire et qui finit comme une tragédie domestique. L’air inconnu (pour elle) que fredonne Ylla (qu’elle entend sans le comprendre car elle ignore qu’elle est télépathe) explique le thème de mes refrains “Plaisir d’amour”.
Le dernier couplet évoque la fin magnifique du recueil : les martiens sont morts ! Voici les martiens.
Il ne vous reste plus qu’à lire (ou relire, je l’espère) ces pages pour retrouver mes références.
La phrase de Rabelais prend-elle tout son sens à notre époque ?
La science fiction est un genre littéraire sous estimé par beaucoup de lecteurs pourtant assidus à d’autres styles littéraires. Elle est reléguée au rang d’une sous-littérature ludique et superficielle par la plupart de ceux qui paradoxalement n’ont jamais ouvert un livre de SF.
Sans oublier que beaucoup confondent les genres pourtant radicalement différents que sont la science-fiction (Isaac Asimov, Pierre Boule, Arthur C.Clarke, Phillip K.Dick …) le fantastique (Lovecraft, Edgar Alan Poe, Maupassant…), le fantasy (Tolkien), l’épouvante (Stephen King), etc.
On retrouve la même confusion dans le cinéma.
Alors que le fantastique nous propose une exploration des fantasmes de notre inconscient dans notre quotidien ou dans des mondes irréalisables, qu’il introduit une variante improbable dans notre ordinaire et observe comment nous réagirions, la science-fiction joue les oracles, voire parfois les cassandres.
Pour moi, la science fiction est très souvent philosophique, car elle cherche à donner du sens à l’absurdité de notre monde. Elle est très contemporaine puisque le terme “science” qu’elle contient est à comprendre dans sa définition du XXème siècle, c’est à dire comme une connaissance positive et souvent technologique, acquise par l’expérimentation et l’observation.
Bien sûr, certains thèmes sont en bordure de cette définition. Le voyage dans le temps par exemple est-il du côté du fantastique ou de la science-fiction ? Je répondrais qu’il est fantastique dans le très bon roman de Stephen King “22-11-63” (actuellement décliné en série télévisée au USA) et qu’il est de la science-fiction dans le non-moins excellent film de Christopher Nolan “insterstellar”. Il est donc vrai que ces genres sont apparentés.
Mais les questions posées ne sont pas les mêmes. Dans son œuvre (un peu réactionnaire pour moi, pour tout vous dire), René Barjavel, l’un des grands auteurs de SF français, nous adresse des avertissements : Dans “Ravage”, il pointe du doigt les dangers de la modernité gratuite. Dans “la nuit des temps” et “une rose au paradis”, il dénonce les dérives du progrès et de la course aux armements. Dans “le grand secret”, il nous parle d’une science qui ouvre la boîte de Pandore de l’immortalité.
Et c’est bien là le grand mérite de la science fiction : nous montrer, nous amener à voir un avenir proche où nous perdrions le contrôle de cette science si quotidienne mais qui contiendrait en elle les germes de notre propre fin.
Je ne dis pas que la science-fiction est toujours pessimiste. Ce serait dire qu’elle n’est que moraliste. Elle est même souvent optimiste car elle dit que tout est possible si nous prenons conscience des risques qui côtoient immanquablement tout changement.
De ce fait, est-t-il un genre littéraire plus essentiel qu’un livre qui nous offre à la fois le rêve et la réflexion ?
Après cette introduction au genre, je vous parlerai de Ray Bradbury et de ses “Chroniques martiennes” dans mon prochain article.
Musicalement, l’univers de l’Aleph est “progressif”.
Pour les “inhabitués” du genre, ce style musical part sans doute de la musique psychédélique des années 60 avec des groupes comme Pink Floyd puis Genesis, Yes ou Jethro Tull.
Dans les années 70, j’y rajoute Mike Oldfield, Supertramp, Ange (groupe français !), Queen.
Dans les années 80, il y a bien sûr le néo-progressif de Marillion (Fish aussi), IQ, Pendragon et même Tears for fears qui nous a parfois embarqué aussi dans un univers très construit.
La relève du XXIème siècle, c’est pour moi d’abord Muse. Mais j’entends aussi chez Archive et Mocheeba un héritage assumé (le passage surréaliste à 10’35 de “Again” de Archive est une référence évidence à “Echoes”(quasiment au même moment du morceau… no comment) de Pink Floyd sur l’album Meddle. Je pense aussi à RadioHead (et tout particulièrement aux chansons “Paranoid android” ou “Just“)
Voilà ma liste très subjective de ce que j’appelle la musique progressive. C’est juste pour bien resituer mes références. En général, ce sont des chansons longues dans lesquelles plusieurs thèmes musicaux sont développés. Les paroles parlent rarement de la vie des bisounours…
L’Aleph est donc mon premier projet de musique progressive. Ma version de 2000 en est le témoin. On me “reproche” souvent la longueur de mes chansons, leur format peu FM. Je n’ai pas encore la virtuosité de mes pairs et vous remarquerez qu’à part Mike Oldfield, ce sont des groupes. C’est vrai que c’est compliquer de construire un ensemble cohérent sur une chanson de plus de 5 minutes et surtout de ne pas perdre l’attention de l’auditeur. Il faut sans cesse le ramener au cœur du sujet, piquer sa curiosité pour qu’il ne se mette pas trop vite à regarder voleter les papillons…