“Mercredi 18 novembre 1936 Je veux écrire le journal de mon corps parce que tout le monde parle d’autre chose. (13 ans, 1 mois, 8 jours)”.
Daniel Pennac a écrit ce livre en 2012. Je pense avoir lu la plupart de ses livres. J’aime sa prose. Elle est d’une clarté et d’une simplicité impeccable tout en s’offrant le luxe d’être d’une grande richesse (je sais que ça paraît contradictoire mais essayez de le lire).
“Le journal d’un corps” dont est inspirée ma chanson éponyme est une narration à la première personne. Je n’ai pas souhaité reprendre le procédé et je ne suis même pas sûr de coller exactement à l’œuvre. En fait, vous remarquerez que j’ai même pris le contre-pied de Pennac. Il fait parler son corps. Moi, je m’adresse à celui-ci comme à ma propre dépouille.
Le leitmotiv du refrain (attention “spoiler” !) est une citation du livre. C’en est en fait la toute dernière phrase qui est à mon sens l’une des plus magnifique fin de roman que j’ai jamais lue.
Si ce thème m’a inspiré c’est que je suis intimement convaincu de la nature physique de l’esprit. Pour moi, il n’y a pas de transcendance. “Suis-je dans mon corps comme un pilote dans son navire ?” est un sujet qu’on propose aux élèves de 1ère année de philosophie quand on étudie Descartes.
Pour ma part, je suis convaincu qu’il n’y a pas de dichotomie entre notre partie matérielle et ce que nous percevons comme une émanation directe de notre esprit, la pensée. Cela ne veut pas dire que je crois que nous ne sommes que des objets mais je pense que nous surestimons la valeur de l’esprit. Nous en faisons souvent quelque chose qui dépasse la matière, qui est plus noble alors qu’en fait, elle n’en est qu’une forme d’expression plus complexe, une résultante de l’adaptation.
Notre évolution nous a amené à avoir une conscience car nous avions besoin de cet atout pour survivre et pour nous adapter. La surprise inattendue de cette nouvelle faculté, c’est qu’elle nous a permis de modifier volontairement un grand nombre de nos contraintes, de développer des capacités fortuites telles que l’art. Je considère donc tout ce que notre esprit produit et qui n’est pas nécessaire absolument à la survie de notre espèce comme un accident de l’évolution.
La beauté, l’ordre, le sens ne sont probablement pas dans les choses elles-mêmes mais dans l’esprit qui les observe.
Je sais bien que lorsque notre conscience s’éteint, que nous fermons les yeux pour notre dernière fois, l’ensemble de notre corps ne s’annihile pas soudainement. Il perdure le temps que tous nos atomes soient redistribués en autre chose. Quand sommes- nous morts alors ? Les stoïciens y voyaient justement une preuve de notre immortalité quand nos atomes se disloquent pour se recomposer indéfiniment. Mais cette vision matérialiste des choses ne me console pas tout à fait car je repense à cette phrase de Raymond Radiguet dans “Le diable au corps” : “Ce qui chagrine, ce n’est pas de quitter
la vie, mais de quitter ce qui lui donne un sens.
” Mourir, c’est perdre la vie”. Ce qui ressemble à une tautologie est pour moi la raison même de la révolte que je ressens vis-à-vis de la mort. Je sais que quand je mourrai, il n’y aura rien pour moi avant tout. Et je ne me berce pas de consolation en me convaincant que je vivrais à travers la mémoire de ceux qui se souviendront de moi. Vous pouvez écouter un petit aperçu de ce sentiment dans une de mes chansons sur le prochain album “Le soliloque” que je suis en train de faire : “la mort n’est pas le carnaval“