Cette chanson est écrite depuis assez longtemps. La musique a sans doute plus de 30 ans. Les paroles, elles, datent de 2015. Ce sont les attentats de Paris qui me les ont inspirées. Je ne suis pas coutumier des textes polémiques même si je pense que mes chansons prennent souvent des positions très personnelles.
J’ai fait lire le texte “Les héros” à plusieurs personnes et je reste convaincu que mes intentions n’ont pas toujours été comprises. C’est une des raisons qui ont retardées la sortie du titre.
Le héros, le grec, le romantique, le moderne sont tous des figures “positives” qui engendrent souvent une admiration que je peine à comprendre. Aujourd’hui, c’est le héros ordinaire qui est porté aux nues pour avoir agi normalement.
Les actes significatifs individuels sont désormais à la portée du premier venu déterminé à foncer sur une foule.
Alors ce n’est plus l’individu qui se porte vers l’acte héroïque mais l’action normale qu’on estampille de la valeur morale d’héroïque.
De fait, tout devient confus. Celui qui agit normalement se voit porter en triomphe comme si c’était ça le nouveau courage, la nouvelle hors-norme. Les super-héros envahissent les écrans et on cherche les vrais. Le superlatif est là pour nous rappeler qu’il est donc possible d’être un simple héros, un héros ordinaire, oxymore des temps modernes.
Ma chanson parle avant tout de ce qui motive l’aspirant héros. Et par héros, je désigne celui qui agit pour le devenir, peu importe que ses actes ne soient pas considérés comme héroïques par les autres. Je pense que l’aveuglement du terroriste vient justement du sentiment de légitimité de son action, de sa certitude que les autres ne comprennent pas qu’il agit héroïquement. Ce sentiment d’abnégation est pour moi ce qui est spécifique au héros, plus que l’envie de reconnaissance. Et certain de son bon droit, il prend la pause.
Et vous comprenez sans doute que c’est là que mes propos peuvent choquer.
Je veux juste dire que la recherche de héros, ce besoin manifeste d’en trouver un peu partout, révèlent les dérives d’une époque où nous sommes traumatisés par leur disparition, par ce qui pouvait ressembler à une possibilité de se dépasser, de devenir quelqu’un. Nous vivons une époque négationniste d’elle-même, incapable d’accepter que l’ordinaire est une fin, que le dépassement de soi n’est pas un bien mais une nécessité à laquelle nos ancêtres ont dû se résigner pour survivre.
En mai 2020, nous venons justement d’avoir une flambée d’héroïsme quotidien. Mais pour moi, si elles et ils ont été qualifiés comme tels, c’est justement parce que certains ont été incapables d’y reconnaître ce qui devrait être une norme de comportement. En les qualifiant ainsi, ils se sont mis à l’abris des reproches, de l’action, du comportement exemplaire. Après tout, ils sont bien ordinaires et l’héroïsme n’est pas donné à tous.
C’est d’ailleurs le moment que j’ai choisi pour abandonner le pseudonyme. Au-revoir JeanSol. Je le rends à Vian et je signe désormais de mon nom.
Chris 05/2020
La chanson est aussi désormais en écoute sur ma chaîne Youtube